Equipe de veille Russie: Arnaud Huss, Nicolas Girard, Corentin Delon, Anastasia K., Erwann Leyral, Olga Shevchuk, sous la direction d’Ilinka Léger et Enzo Padovan.
04/12/2022 : La Hongrie est exemptée de respecter le plafond sur le prix du pétrole russe – Enzo Padovan et Arnaud Huss
Le 4 décembre, Péter Szijjártó, Ministre des Affaires Étrangères hongrois, a annoncé sur Facebook que son pays était exempté du plafond sur le prix du pétrole russe. Ce plafond est entré en vigueur cette semaine, au sein des Etats européens et du G7 ; la BBC a indiqué dans un article que le prix était fixé à 60 dollars par baril de pétrole.
Depuis le début de la guerre, selon l’Institut international de la finance, la Russie a engrangé 74 milliards de dollars de bénéfices sur ses ventes en pétrole à l’exportation : les deux tiers, vers des pays occidentaux. Selon le Moscow Times, cette mesure crée un impact sur les ressources financières du Kremlin. En revanche, certains officiels russes ont déclaré que le gouvernement a déjà prévu de pallier le manque à gagner, en se tournant vers les marchés chinois et indien. Ainsi, TASS précisait que les autorités russes s’étaient préparées à cette décision, qui permettrait de «russifier» le transport du pétrole, sans passer par des compagnies de transport étrangères. Le risque pour les compagnies étrangères serait la saisie du pétrolier pendant 90 jours. Selon Le Monde, plus de 90 % des prestations des assurances proviennent des entreprises de pays du G7 ; ce qui représente un facteur essentiel pour le transport maritime.
Cependant, la Hongrie est parvenue à négocier une exception pour sa propre économie. «Lors des négociations sur le plafond pétrolier, nous nous sommes beaucoup battus pour les intérêts hongrois et nous avons réussi», a déclaré le ministre sur Facebook. Les négociations hongroises s’inscrivent dans un contexte d’incertitude, quant aux livraisons de carburant par Moscou. Meduza, média d’opposition au pouvoir de Vladimir Poutine, relayait dans un article les propos d’Alexandre Novak, vice-président du gouvernement de Vladimir Poutine : les pays qui ont accepté le plafond financier ne recevront pas de carburant issu des raffineries russes. La Hongrie, comme la Slovaquie, est traversée par l’oléoduc Droujba, grâce auquel ils reçoivent toujours une certaine quantité d’essence, comme l’explique l’agence britannique Reuters. Cela explique en partie leur position sur le prix du pétrole russe, et leur blocage à l’encontre de nouvelles aides financières de l’UE destinées à l’Ukraine, la même semaine. Ces aides, selon Euronews, devaient s’élever à 18 milliards d’euros.
05/12/2022 : Frappes sur les bases arrières aériennes russes par des drones ukrainiens – Anastasia K.
Le 5 décembre, deux aérodromes militaires “Dyadilevo” et “Engels” ont été frappés sur le territoire russe. Selon le journal français Le Parisien, le Ministère de la Défense russe a alors accusé Kiev d’avoir perpétré ces attaques en utilisant des drones à réaction. Les autorités ukrainiennes ont gardé le silence, car officiellement l’Ukraine ne dispose pas de tels moyens de frappe. Selon le média Radio Svoboda, ces frappes constitueraient une nouvelle étape dans la guerre entre la Russie et l’Ukraine ; pour la première fois, les forces ukrainiennes auraient attaqué des infrastructures russes se situant respectivement à 500 km et 700 km des frontières russo-ukrainiennes.
Ces attaques auraient permis de détruire des bombardiers stratégiques (Tu-95 MC, Tu-160, Tu-22M3) que la Russie ne produit plus depuis la chute de l’Union soviétique et que l’armée russe emploie pour frapper le territoire ukrainien. La destruction de plusieurs de ces bombardiers aurait permis de diminuer la quantité des frappes le jour-même. Non seulement les forces russes devront se concentrer davantage sur la sécurisation de ces aérodromes (notamment en les délocalisant, déplaçant les bombardiers et en renforçant les systèmes anti-aériens), mais plus globalement repenser la sécurité d’autres aérodromes biélorusses et russes, qui se situent dans le rayon minimal de 700 km. Enfin, l’expert militaire Igor Levchenko a ajouté que le gouvernement russe, lorsqu’il préparait l’invasion de l’Ukraine, n’aurait pas envisagé la possibilité d’être attaqué sur son propre sol.
06/12/2022 : Les frappes russes sur le réseau d’énergie en Ukraine provoquent des coupures de courant – Erwann Leyral
Le 6 décembre, l’État-major russe a expliqué, sur le canal Telegram du ministère de la Défense, que des frappes ont touché avec succès les «unités énergétiques et militaires de l’Ukraine» grâce à des «armes […] de haute précision». L’énergie occupe une place centrale dans les conflits modernes, aussi bien pour son utilisation militaire que civile. Les infrastructures de production d’énergie ont été touchées et une baisse de la production d’électricité est à prévoir selon Ukrenergo, qui a cependant affirmé dans son canal Telegram que «le système énergétique de l’Ukraine [avait] préservé son intégrité et [continuait] de fonctionner de manière synchrone avec le réseau de l’Europe continentale».
La compagnie nationale d’énergie affirme que «les équipes de réparation font de leur mieux pour fournir de l’énergie via des circuits de secours». Certains secteurs bénéficient ainsi de travaux 24 heures sur 24, comme ceux de Kiev ou Odessa. Malgré ces efforts, la situation reste précaire : des coupures de courant ayant pour but de stabiliser le déficit énergétique dans le pays ont déjà lieu. Aux dernières nouvelles, le 9 décembre dans la matinée, Energoatom, la Compagnie nationale de production d’énergie nucléaire d’Ukraine, déplorait via son canal Telegram les conditions climatiques particulièrement difficiles, plus particulièrement à l’est : «Actuellement, la situation la plus difficile reste dans la région orientale».
06/12/2022 : La Lettonie a annulé la licence de diffusion de la chaîne de télévision privée russe « Dojd » – Olga Shevchuk
Le 6 décembre, le Conseil national des médias électroniques de Lettonie a révoqué la licence de diffusion de la chaîne Dojd (TV Rain), appartenant à une société privée russe. La chaîne est basée à Riga depuis le début de la guerre en Ukraine, en raison de persécution pénale en Russie pour la critique des actions des autorités.
La décision a été prise en raison d’une menace pour la sécurité nationale, selon les autorités lettones. Le 1er décembre, l’animateur de Dojd, Alexei Korostelev, a déclaré : «Nous espérons que nous avons pu aider de nombreux militaires». Le service letton de la sécurité d’Etat a alors ouvert une enquête sur des soupçons que la chaîne de télévision fournit de l’aide à l’armée russe.
«Tous doivent respecter les lois de la Lettonie – a déclaré le président du Conseil Ivar Abolins sur Twitter. Après la révocation de la licence en Lettonie, la chaîne de télévision ne pourra plus diffuser sur les réseaux câblés dans toute l’Union européenne. Les éditeurs ont déclaré qu’ils avaient l’intention de poursuivre le travail. Sa fondatrice, Natalya Sindeeva, a indiqué sur son canal Telegram que la rédaction recevra une licence dans un autre pays.
07/12/2022 : Le géant pétrolier Rosneft se dit peu atteint par les mises sous tutelle allemandes – Corentin Delon
Le 7 décembre était publié sur le site Rosneft.com du groupe pétrolier russe homonyme, le bilan de ses résultats pour le troisième semestre de l’année 2022. Comme l’indique le rapport officiel du groupe, les revenus en roubles ont augmenté de 15,7% au cours du troisième semestre, malgré les saisies des raffineries opérées par le gouvernement en Allemagne. Le média anglophone Moscow Times a ainsi relayé le communiqué officiel du géant pétrolier, indiquant «[qu’]au 3e trimestre 2022, l’impact négatif le plus important sur les revenus est venu du transfert des actifs de l’entreprise en Allemagne… Qui a entraîné la comptabilisation d’une perte supplémentaire de 56 milliards de roubles (environ 889 millions de dollars)».
Le gouvernement allemand (fortement dépendant des hydrocarbures russes) avait donc placé en «administration fiduciaire» forcée les filiales de Rosneft localisé sur son territoire, et ce dès septembre 2022. Des médias (Figaro, Moscow Times) ont annoncé que ces filiales représentaient 12% des capacités de raffinage du pays. Ces mesures du gouvernement s’inscrivent dans la continuité d’une volonté particulière ; celle de sécuriser son approvisionnement en énergie qui avait commencé en avril, avec la prise de contrôle de la filiale allemande du géant gazier Gazprom.
Le groupe Rosneft, qui avait posé un recours contre l’Etat allemand pour la mise sous tutelle de ses activités, a néanmoins annoncé dans son rapport officiel avoir augmenté d’un tiers ses livraisons vers l’Asie. Le rapport ajoute que l’entreprise a «complètement compensé la baisse des livraisons aux acheteurs européens».
08/12/2022 : La Russie qualifie de «propagande» les données des Nations Unies sur la propagation du VIH dans le pays – Enzo Padovan
Le 8 décembre, le Ministère de la Santé russe a commenté les données publiées par l’ONUSIDA, le programme des Nations Unies dédié à la lutte contre le SIDA. Le programme a en effet révélé, dans une étude publiée cette année, qu’environ 1,5 millions de personnes ont contracté le VIH en 2021. Parmi ceux-ci, 3,9% des nouveaux patients vivent en Russie, ce qui en fait un des pays les plus touchés par la propagation de la maladie. D’autres données, relayées conjointement par l’OMS et le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, appuient ce constat. En 2021, sur 100 000 russes, 40,2 d’entre eux étaient diagnostiqués avec une forme de VIH, ce qui en fait le taux le plus haut d’Europe de l’est.
Selon le Ministère de la Santé russe, qui a répondu via un communiqué de presse, les données publiées par l’ONUSIDA et l’OMS représentent «une autre provocation propagandiste dirigée contre notre nation». Bien que le ministère ait confirmé l’incidence de 40,2 diagnostics de VIH pour 100 000 russes, il a aussi rappelé que cette incidence a chuté de 31,4% en 3 ans : en 2018, ce chiffre avait atteint les 58,6 patients pour 100 000 habitants. Si l’on s’en fie aux sources du ministère, 0,58% de la population nationale (soit 851 754 personnes) est actuellement malade du VIH. Ainsi, le Kremlin considère que «ces données ne nous permettent pas d’évaluer la situation avec la propagation du VIH en Russie».
08/12/2022 : La basketteuse Brittney Griner échangée contre le trafiquant d’armes Viktor Bout – Erwann Leyral
Le 8 décembre, après environ neuf mois d’une détention pour trafic de stupéfiants jugée «injuste» et «dans des circonstances intolérables» par le président américain Joe Biden, Brittney Griner a pu rentrer aux États-Unis du fait d’un échange de prisonniers entre Moscou et Washington (le Figaro). Le trafiquant d’armes Viktor Bout, qualifié de «marchand de la mort» par le Moscow Times, a aussi pu regagner la Russie. Condamnés respectivement à 9 et 25 ans de prison, les deux détenus ont fait l’objet d’un échange, que Vladimir Poutine, selon l’agence de presse gouvernementale Ria Novosti, n’exclut pas d’être reproduit à l’avenir.
