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Ukraine : Et après ?

Les conséquences de la guerre russo-ukrainienne sur l’architecture de sécurité internationale

Alors que les pourparlers et la guerre entre l’Ukraine et la Russie continuent, la question de savoir jusqu’où ira la Russie est dans toutes les têtes. Concentrés sur ce qui se passera à court terme, et sur le sort que le Kremlin réserve à son voisin, nous assistons impuissants à l’érosion de tout le système de sécurité international bâti depuis la Seconde Guerre mondiale. Que ce conflit soit court ou long, il est indéniable que plus rien ne sera jamais comme avant. Malgré l’incertitude quant à la situation à court et moyen terme, il faut poser la question des effets sur le long terme que cette guerre peut induire. Parmi ces questions, voici trois aspects qui, demain, s’imposeront dans le débat :

Europe, la difficile question de « l’autonomie stratégique »

L’OTAN créée durant la Guerre-Froide semblait de plus en plus être un outil du passé. Décriée par beaucoup, surtout depuis la débâcle afghane, l’organisation militaire était de plus en plus vue comme en « état de mort cérébrale » selon la phrase d’E. Macron.

Du côté russe les autorités ne parlaient pas de mort cérébrale de l’OTAN mais de menaces directes à la sécurité de la Fédération de Russie. C’est notamment la présence du bouclier anti-missile américain en Europe qui commença à focaliser l’attention russe contre l’organisation de défense atlantique puisqu’il portait un coup à la dissuasion du pays. Le besoin de sécurité russe n’a pas été entendu par l’occident. Pour la Russie le basculement de trop est celui de l’Ukraine, et Zbigniew Brzezinski en parlait déjà dans son ouvrage Le grand échiquier. Pourtant, par sa folle entreprise, Vladimir Poutine ne vient-il pas lui-même de donner les meilleures garanties de survie à l’OTAN ? Comment imaginer que maintenant la défense de l’Europe se passe des USA ?

L’idée française d’autonomie stratégique européenne fait peur à beaucoup car l’OTAN permet à de nombreux pays européens, Allemagne en tête, de faire l’économie de dépenses militaires trop importante. D’autre pays préférant s’en remettre purement et simplement à la puissance américaine comme la Pologne. L’actuelle guerre va sûrement continuer de déchaîner les passions sur ce sujet. D’un côté ceux qui estimeront que l’avancée de l’OTAN à l’est à été déterminante dans l’action russe et que l’Europe doit s’autonomiser pour éviter ce genre de conflit et de l’autre ceux qui penseront que sans l’OTAN, l’UE ne pourra faire face à la menace russe. Menace qui ne fait plus aucun doute à présent.

Ainsi, les dépenses européennes en matière de budget militaire devraient augmenter significativement dans les années à venir à l’instar de la France qui parle depuis quelque mois de se préparer à des conflits symétriques de haute intensité. Cependant l’autonomisation stratégique européenne et l’achat d’armement fabriqué en Europe risquent fort d’être sacrifiés au profit d’armes américaines en échange de garanties otaniennes. Vladimir Poutine ne voulait plus de l’OTAN ? Le pari est raté !

L’ONU « entre apathie et immobilisme» [1] ?

Après avoir reconnu l’indépendance des Républiques autoproclamées du Donbass, Vladimir Poutine justifie son attaque sur l’Ukraine par l’article 51 de la Charte des Nations Unies. Cet article dispose qu’ « Aucune disposition de la Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense […], dans le cas où un membre des Nations-Unies est l’objet d’une agression armée, jusqu’à ce que le CSNU ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationale. »

Selon Le Figaro un groupe de travail sous Kofi Annan en 2004 avait rendu un rapport qui semble s’appliquer au cas ukrainien : «Traditionnellement […] un État menacé peut lancer une opération militaire à condition que l’agression soit imminente, qu’il n’y ait pas d’autre moyen d’écarter la menace et que l’intervention militaire soit proportionnée». Pourtant, «le problème se pose dans le cas où sans être imminente, la menace en question est présentée comme réelle, par exemple en cas d’acquisition, dans une intention censément hostile, des moyens de fabriquer des armes nucléaires». Les républiques autoproclamées ne faisant pas partie de l’ONU, c’est la menace de la création d’une bombe que la Russie peut utiliser pour faire appel à cet article de la Charte.

Malgré cette torsion du Droit international, Vladimir Poutine viole un principe des plus fondamentaux de la Charte des Nations Unies. L’article 2 et spécialement le paragraphe 4 de ce dernier. Celui-ci dispose que « Les membres de l’Organisation s’abstiennent dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies. » Ce principe né de la tragique expérience de la dernière guerre mondiale et de l’existence de l’arme atomique est un fondement de la stabilité mondiale et de la paix en Europe depuis plus de 75 ans. Même si la Russie décide de jouer la carte de « l’opération de prévention pour la paix » jusqu’au bout et, qu’à l’issue, elle décide de se retirer, ce dont on peut douter, ce principe est bel est bien violé. La Russie, qui a payé un si lourd tribut lors de la dernière guerre, vient de casser le principe fondamental né de cette triste période.

Le problème majeur de la violation de ce principe est que la Russie est membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU. Le CSNU, à l’image de ce qui fut pendant la Guerre Froide sera donc neutralisé, d’autant plus que la Chine déclare « comprendre » l’action russe, un deuxième front avec Taïwan serait-il à craindre en cas de réaction armée occidentale ?

Dans le cas présent comme à chaque fois qu’un des membres permanents a violé le droit international au lieu de montrer l’exemple, l’ONU et le Conseil de Sécurité, au lieu de montrer l’exemple, perdent tant en efficacité qu’en légitimité. En effet, les membres permanents se doivent plus que tout autre membre de respecter la non-violation de la souveraineté des Etats. Sinon qui d’autre pourrait la garantir ?

Cette paralysie de l’ONU remet une fois de plus les limites de cette organisation sur le devant de la scène. Pour autant, rien de plus important qu’une institution qui permet à tous les pays du monde de se parler pour éviter au maximum les guerres. A ce titre, la France qui depuis plusieurs années avec le Forum de Paris sur la Paix se pose en héraut de la réflexion autour du multilatéralisme du futur doit continuer de militer pour sauvegarder l’exigence d’un dialogue diplomatique constant au niveau mondial. En effet guerre ou non l’important est de toujours laisser un canal de diplomatie ouvert afin d’éviter une escalade continue des violences et des violations du Droit international.

Vous avez dit non-prolifération ?

Le conflit actuel pourrait également avoir des répercussions sur la question de la non-prolifération des armes nucléaires.

A la chute de L’Union soviétique s’est posée la question de la non-prolifération des armes nucléaires. Les États qui naissent de cette implosion de l’URSS disposent tous d’armes atomiques sur leur sol. Trois accords sont signés pour rendre les armes à la Russie, désignée « État continuateur » et ainsi éviter que le nombre d’État doté de l’arme augmente :

  • Accord de Minsk du 30 décembre 1991 ;
  • Protocole de Lisbonne du 23 mai 1992 ;
  • Accords de New-York du 26 septembre 1997.

Ces différents accords consacrent la « dénucléarisation de la Biélorussie, de l’Ukraine et du Kazakhstan ainsi que le monopole nucléaire de la Russie dans la CEI  » [2] [3]. C’est un véritable succès pour la politique de non-prolifération des armements nucléaires. La Russie récupère donc les ogives nucléaires des anciennes Républiques Socialistes Soviétiques (RSS). Dans le même temps ces États, privé de dissuasion pour garantir leur sécurité reçoivent des garanties de la part des États doté de l’arme. « En échange de l’adhésion au traité de non-prolifération (TNP) en qualité d’État non doté, les trois ex RSS ont obtenu l’engagement des autres États parties, dont la Russie, à reconnaître et à respecter leur souveraineté, leur intégrité territoriale et leurs frontières» [4]. Comment ne pas imaginer qu’à présent, des pays souhaitent obtenir la bombe pour se protéger et se méfient des promesses des États dotés qui affirment garantir le respect de leurs frontières ?

Ces trois axes de réflexions sont des questionnements qui se posaient déjà avant le début de la guerre mais qui risquent de prendre de l’ampleur à l’issue du conflit, surtout si celui-ci dure.

 

 

[1] Déclaration de Nicolas Sarkozy le 25 février 2022 à l’issue de la réunion avec E. Macron et F. Hollande

[2] Géopolitique de l’Eurasie ; David Cumin éd. L’Harmattan 2020.

[3] C.E.I. : Communauté des États indépendants

[4] Géopolitique de l’Eurasie ; David Cumin éd. L’Harmattan 2020.

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