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Les World Nomad Games, soft power d’Asie Centrale : rayonner par le sport et la culture

Du 8 au 13 septembre 2024, le Kazakhstan accueillait les World Nomad Games 2024. Organisé tous les deux ans, cet évènement célèbre la culture nomade autour de disciplines sportives, artistiques et culturelles mettant en lumière les traditions des peuples d’Asie Centrale. Alors que la 1re édition avait rassemblé 400 athlètes de 19 nations, 10 ans plus tard, ce ne sont pas moins de 2 500 participants représentant 89 nations qui se retrouvent à Astana pour la 5e édition. L’occasion de revenir sur le rôle du soft power dans la politique étrangère des pays de la région, parmi lesquels le Kazakhstan, auxquels de tels événements permettent de rayonner et d’affirmer leur identité sur la scène internationale.

 

Le 8 septembre, Astana Arena, 20h

À Astana, capitale du Kazakhstan, un spectacle spectaculaire s’est déroulé devant une foule de 30 000 spectateurs, impressionnant observateurs locaux et internationaux. La cérémonie d’ouverture des World Nomad Games, les Jeux Mondiaux Nomades, donnait le coup d’envoi à la 5e édition qui allait durer les 5 jours suivants. Le Président kazakh, Kassym-Jomart Tokayev, ouvrit les festivités qu’il plaça sous le signe du respect, de la solidarité et de l’amitié entre nations. S’ensuivirent 2h d’un show hypnotique, durant lesquels des artistes célébrèrent le mode de vie nomade au milieu de décors grandioses, et reconstituèrent les grands évènements de l’histoire du Kazakhstan. Parmi les héros du passé, Tomiris, la reine légendaire, fit son apparition dans l’arène d’Astana. Dans un combat acharné pour la liberté contre Cyrus le Grand, les tribus des steppes unies sous son commandement, écrasèrent l’armée perse, 200 ans avant Alexandre. Se succédèrent des scènes entrecoupées de danses traditionnelles sur fond de musique contemporaine, un mélange harmonieux qui traduisit parfaitement la portée de l’évènement : la perpétuation d’une identité traditionnelle dans un monde globalisé et moderne. Derrière la scène immense chevauchaient sur un écran géant des cavaliers au milieu de grandes étendues désertiques. Le spectacle s’acheva sur une chorégraphie exécutée par des centaines de danseurs en habits traditionnels, robes chatoyantes, chapkas et bottes d’équitation, au milieu de loups, d’aigles et de leurs maîtres.

La 1re édition des World Nomad Games fut créée en 2014 dans le but de rassembler les peuples autour de la culture nomade. Les conditions d’essor de cette dernière se sont formées il y a 5 000 ans, lors de la domestication du cheval dont les traces les plus anciennes furent découvertes… à 300km d’Astana. Pendant des millénaires, les peuples nomades arpenteront la steppe, conquérant le plus vaste empire que l’Histoire ait connu. Grâce à leur place centrale sur les Routes de la Soie, ils favoriseront les échanges commerciaux entre les Républiques italiennes et l’Empire chinois, ainsi que la transmission de technologies dans un sens comme dans l’autre telles que la poudre à canon.

C’est le Kirghizistan, petit pays montagneux bordant la frontière occidentale de la Chine, qui prit l’initiative d’organiser les WNG pour la première fois. Dès lors, ce rassemblement a lieu une fois tous les deux ans, à l’exception de 2022, Covid-19 oblige, autour de compétitions sportives et culturelles qui mettent en avant les qualités indispensables pour survivre dans la steppe. Les jeux mêlent disciplines sportives et intellectuelles avec des jeux de stratégie prisés par les peuples nomades. Au sein de l’Ethno-aul, village de yourtes reconstitué, le visiteur sera plongé dans la vie quotidienne des tribus. Il lui sera possible d’admirer l’artisanat traditionnel et d’assister à la centaine d’évènements culturels organisés pour l’occasion, tels que des représentations théâtrales, des démonstrations de chants épiques et de poésie traditionnelle.

 

Différences ethniques, tensions autour des ressources, et environnement hostile

Les 6 pays d’Asie Centrale, lointains et peu connus, les fameux pays en -stan (auxquels nous ajouterons la Mongolie), ont tous acquis leur indépendance après la dislocation de l’URSS en 1991. Toutefois, ils sont loin de former un tout homogène. La région est composée de centaines d’ethnies : Ouzbeks, Kazakhs, Kirghizes, Ouïghours, Turkmènes,… toutes avec leurs pratiques culturelles, religieuses (islam sunnite, traditions zoroastriennes, tengrisme) et linguistiques (turque, perse ou mongole). De plus, le tracé des frontières divise ces ethnies déjà nombreuses (tradition soviétique, mais pas uniquement), forçant des minorités à se côtoyer au sein d’un même pays, parfois avec difficultés.

Des disparités profondes existent de surcroît au regard de la répartition des ressources naturelles. Le Kazakhstan par exemple, peut s’appuyer sur la richesse de son sous-sol dans lequel reposent gaz, pétrole, terres rares, et uranium. Des atouts dont ses voisins kirghize ou tadjik ne peuvent se prévaloir. A l’inverse, ces deux derniers qui occupent un territoire montagneux, se voient dotés des principales réserves en eau de la région, ce qui ne va pas sans tensions avec le Kazakhstan et l’Ouzbékistan, situés en aval.

À cela s’ajoute un environnement régional qui ne s’embarrasse pas des atours de la démocratie. Celui-ci est en effet composé, au nord, du plus vaste pays du monde, la Russie, à l’est, de la 2e économie mondiale, la Chine, et au sud d’un paria de la communauté international, l’Iran. Quant au volet stratégique, l’Asie Centrale fait face à deux puissances nucléaires et à une 3e en passe de le devenir.

En comparaison avec de tels géants, les pays d’Asie Centrale paraissent vulnérables et peu développés. Les tensions ethniques et les inégalités de ressources constituent autant de failles, faisant de la région une proie facile pour des appétits carnassiers.

C’est à ce moment précis que les World Nomad Games entrent en jeu.

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