Ecrit par Corentin Delon, Johann Lemaire et Enzo Padovan.
Le sport a toujours été un élément prépondérant de l’identité nationale russe et un outil de rayonnement international. L’imaginaire sportif soviétique en est une des illustrations les plus marquantes. Avant 2014, la Russie jouissait d’une présence particulièrement frappante dans les arènes sportives internationales. Le pays a accueilli des événements majeurs tels que les Jeux Olympiques de Moscou en 1980 et les Jeux Olympiques d’hiver de Sotchi en 2014. Le sport reste non seulement une source de fierté nationale mais aussi un moyen pour le pays de démontrer sa puissance sur la scène mondiale. Parmi les légendes sportives russes (ou soviétiques) nous pouvons citer Lev Yachine, légendaire gardien de but soviétique qui a révolutionné son sport et le style de jeu du poste de gardien. Avant l’arrivée de Yachine, la pratique habituelle de la plupart des gardiens de but était le jeu passif. Néanmoins, il a changé cela pour toujours par sa présence active sur le terrain et sa maîtrise de la défense. Il a notamment introduit les sorties en courant pour répondre aux attaques, une pratique qui a ensuite été acceptée comme la norme dans ce sport. Il nous plaît également de citer Anatoli Karpov, légende russe des échecs ou Vladislav Tretiak (hockey sur glace).
Cependant, depuis 2014, les relations entre le Kremlin et les organisations sportives internationales ont subi une transformation radicale, reflétant des enjeux bien au-delà du terrain sportif. L’annexion de la Crimée et le conflit en Ukraine ont non seulement déclenché des sanctions économiques et politiques, mais ont également eu des répercussions profondes sur le domaine sportif. En parallèle, les révélations de dopage systématique ont mis en lumière les tensions entre aspirations de puissance et éthique sportive. Cette dynamique complexe, ancrée dans une réflexion autant historico-politique que culturelle, soulève des questions sur le rôle du sport comme vecteur de soft power et d’identité nationale.
Le cœur de notre propos va être d’articuler une analyse cohérente et concrète de l’évolution des relations entre le pouvoir russe et les instances sportives internationales.
Les sanctions et exclusions sportives (2014-2018)
Impact immédiat de la crise ukrainienne
La crise ukrainienne et le rapport McLaren ont eu un impact immédiat sur le sport russe. Cet impact s’est illustré par des mesures prises par diverses organisations sportives pour sanctionner la Russie. Les premières sanctions ont inclus l’annulation ou le transfert d’événements sportifs prévus en Russie et la suspension de fédérations sportives russes de certaines compétitions internationales. Par exemple, la Fédération Internationale de Ski (FIS) a annulé toutes les compétitions de ski prévues en Russie pour la saison 2014-2015. Les fédérations sportives européennes et mondiales ont également rapidement réagi en imposant des sanctions qui ont limité la participation de la Russie à divers niveaux. Des fédérations comme la FIFA et l’UEFA ont joué un rôle clé dans ces décisions. En 2014, la Fédération Internationale de Biathlon (IBU) a également déplacé les événements de la Coupe du Monde de Biathlon prévus en Russie vers d’autres pays.
Accusations de dopage systématique
En parallèle à la crise ukrainienne, la Russie a fait face à de graves accusations de dopage systématique, culminant avec la publication du rapport McLaren courant 2016. Ce rapport, commandé par l’Agence Mondiale Antidopage et réalisé par le juriste canadien Richard McLaren, a révélé un système de dopage d’État en Russie, impliquant des centaines d’athlètes et plusieurs institutions sportives russes. Les conclusions du rapport ont secoué le monde du sport et ont conduit à des sanctions sévères contre la Russie. “Une conspiration institutionnelle a été mise en place pour les sports d’hiver et d’été avec la participation du ministère des Sports et de ses services comme l’agence russe antidopage (Rusada) (…) le laboratoire antidopage de Moscou, aux côtés du FSB (services secrets), afin de manipuler les contrôles antidopage”, a expliqué McLaren en conférence de presse.
Ledit système aurait été instauré dès 2011 et aurait duré jusqu’en août 2015, au bénéfice d’athlètes russes de nombreux sports olympiques d’été et d’hiver lors de compétitions internationales organisées en Russie (Mondiaux de natation en 2011, d’athlétisme en 2013, d’escrime en 2014 et 2015…).
L’une des mesures les plus notables a été l’exclusion de la Russie des Jeux Olympiques de Rio 2016. Bien que certains athlètes russes aient été autorisés à participer sous une bannière neutre, la Russie en tant que nation a été largement exclue des Jeux Olympiques et des Jeux Paralympiques de 2016. Cette décision historique a mis en lumière l’ampleur du problème de dopage en Russie et a marqué un tournant dans la lutte contre le dopage dans le sport international.
Réactions de la Russie
Face à ces accusations et sanctions, la Russie a réagi par des déclarations officielles et des dénégations. Les autorités russes ont nié l’existence d’un programme de dopage d’État et ont critiqué les mesures prises par les instances sportives internationales. Cependant, pour tenter de regagner la confiance des instances sportives, la Russie a également pris des mesures internes. Ces mesures comprenaient la restructuration des agences antidopage, l’adoption de nouvelles politiques antidopage plus strictes et la coopération accrue avec l’AMA et d’autres organisations internationales.
En somme, la période de 2014 à 2018 a été marquée par des sanctions et exclusions significatives pour le sport russe, en réponse à la crise ukrainienne et aux révélations de dopage systématique. Ces événements ont non seulement impacté la participation de la Russie aux compétitions internationales, mais ont également déclenché des réformes internes visant à restaurer l’intégrité du sport en Russie.
Les conséquences à long terme (2018-2022)
Les Jeux Olympiques de Pyeongchang
Le 5 décembre 2017, le Comité International Olympique (CIO) exclut la Russie des jeux d’hiver de Pyeongchang. Les athlètes russes doivent concourir sous la bannière des Athlètes Olympiques de Russie (AOR) en raison du rapport Schmid, qui révèle une manipulation systématique des règles antidopage en Russie, particulièrement lors des Jeux Olympiques d’hiver de 2014 à Sotchi. Samuel Schmid, président de la commission, qualifie cette situation de «manipulation sans précédent».
Quatre ans après les Jeux de Sotchi et peu avant la Coupe du monde de football en Russie, l’éthique sportive russe est fortement critiquée. 168 athlètes AOR participent aux jeux d’hiver 2018, avec seulement 45 suspendus, faisant de la Russie la troisième nation la plus représentée en Corée du Sud.
Grigory Rodchenkov, ancien directeur du laboratoire antidopage de Moscou, devenu lanceur d’alerte, accuse publiquement le ministre des sports russe, Vitali Moutko, de superviser le dopage. Depuis 2015, réfugié aux États-Unis, Rodchenkov dénonce la mentalité de triche et de déni en Russie, déclarant : «La Russie reste un pays de dopés».
Les résultats des athlètes AOR à Pyeongchang sont mitigés : 17 médailles (2 or, 6 argent, 9 bronze), contre 29 à Sotchi. Ces résultats confirment les accusations de dopage, laissant un sentiment d’échec. Quelques mois avant la Coupe du monde de football, la Russie est critiquée pour son manque d’équité sportive, de liberté d’expression et de corruption politique.
La coupe du monde de football de 2018
La coupe de football est la compétition sportive la plus regardée au monde. Par exemple, la finale de la Coupe du monde 2022 a attiré plus de 1,5 milliard de téléspectateurs. En 2018, la Russie était responsable de l’organisation de la compétition.
Vous devez souscrire à un abonnement EurasiaPeace pour avoir accès au contenu - Prendre votre abonnement