Les dossiers que nous suivons : La Chine en Indopacifique ; Défense chinoise et détroit de Taïwan ; Relations sino-russes ; Engagement de la Chine au Moyen-Orient ; Stratégie et tendances économiques chinoises ; Dynamiques et enjeux du tourisme chinois à l’international…
Pensez à vous abonner pour avoir accès gratuitement au contenu complet !
Chers lecteurs d’EurasiaPeace,
Bienvenue sur notre veille «Engagement de la Chine au Moyen-Orient» ! Cette veille se concentrera sur la position de la Chine sur le conflit israélo-palestinien, sur laquelle nous vous proposons une analyse plus complète dans notre première veille sur la Chine et le Moyen-Orient, mais abordera également les signes plus discrets de l’influence grandissante de la Chine dans la région. Bonne lecture !
Cette brève est exceptionnellement laissée en accès entièrement libre.
– Annonce de la tenue du 10ème sommet du Forum de coopération sino-arabe et clarification de la position chinoise sur le conflit en cours
Le ministère chinois des Affaires étrangères a annoncé la tenue prochaine de la 10ème réunion ministérielle du Forum de coopération sino-arabe, qui ouvrira le 30 mai à Pékin. Selon le ministère, le sommet accueillera les présidents égyptien, tunisien et émirati, ainsi que le roi du Bahreïn.
L’un des principaux sujets discutés lors de ce forum, si ce n’est le sujet principal, sera naturellement le conflit au Proche-Orient. Lors d’une conférence de presse du 27 mai, Deng Li, vice-ministre chinois des Affaires étrangères, a clarifié la position chinoise sur le conflit israélo-palestinien, et notamment les pistes de résolution de ce dernier, à court-terme et à long-terme.
A court terme, M. Deng a listé trois actions à implémenter : 1- mettre en oeuvre un cessez-le-feu immédiat ; 2- répondre à la crise et humanitaire, et «s’opposer au déplacement forcé du peuple palestinien et à la punition collective de la population de Gaza» ; 3- empêcher l’expansion du conflit dans la région. Enfin dans une perspective long-terme, la Chine appelle à la mise en oeuvre de la «solution à deux Etats» : pour elle, seule la création d’un Etat palestinien rétablira «l’injustice» subie par le peuple de Gaza et de Cisjordanie. Selon Deng Li, «seule la réalisation du souhait historique du peuple palestinien permettra la réalisation de la paix, et elle aussi confèrera à Israël la garantie complète de sa sécurité».
Par ailleurs, Deng Li a démenti l’idée que la Chine cherche à occuper un «vide» laissé dans la région suite au reflux de l’influence américaine, déclarant que les dirigeants locaux disposent d’assez d’autonomie pour «se diriger eux-mêmes». Cette dernière remarque est autant à destination de partenaires moyen-orientaux de la Chine – témoignant de sa volonté apparente de protéger le sacro-saint principe de non-ingérence – qu’une expression de la sincère volonté de ne pas s’impliquer excessivement dans la région. La République populaire de Chine, qui porte dans son ADN la prudence, ne s’engage en relations internationales que si elle estime raisonnables les chances de succès.
– Soutien de la Chine à l’émission de mandats d’arrêt internationaux contre des dirigeants israéliens et du Hamas
Le lundi 20 mai, la Cour pénale internationale (CPI) a annoncé l’émission de mandats d’arrêts internationaux de contre Benyamin Netanyahu, Yoav Gallant et trois dirigeants du Hamas. Du côté occidental, plusieurs gouvernements ont dénoncé l’équivalence symbolique entre dirigeants israéliens et du Hamas que provoque l’émission simultanée des mandats d’arrêt. La Chine, elle, n’a pas évoqué cette simultanéité, mais a exprimé un soutien à la fois clair et modéré à l’enquête de la CPI. Le jour même de la publication de la décision de la Cour, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères a affirmé que la Chine «[soutient] tous les efforts déployés par la communauté internationale en vue d’un règlement complet, juste et durable de la question de la Palestine», et qu’elle espère que la CPI maintiendra une «position objective et juste».
Le 20 mai également, Fu Cong, représentant permanent de la Chine aux Nations Unies, a appelé Israël à «cesser immédiatement son offensive dans la ville de Rafah», ajoutant que «le châtiment collectif de civils ne crée pas les conditions propices au sauvetage d’otages». Ainsi, la Chine creuse l’écart diplomatique qui la sépare d’Israël, mais consolide son image de leader d’un monde alternatif, où la justice ciblerait chaque acteur de manière équitable – elle se nourrit, donc, des contradictions de valeurs chez ses adversaires diplomatiques occidentaux, qu’elle souligne par contraste à travers ses discours.
– Un pétrolier à destination de la Chine endommagé par des tirs houthis
En parallèle, l’intensification des combats à Rafah obtient un écho au sud de la péninsule arabique, où les Houthis intensifient eux aussi leurs attaques en mer Rouge, en «représailles» de l’offensive israélienne à Gaza. Le 18 mai, un pétrolier affrété pour la Chine a été touché par des tirs houthis.
Or, si la Chine regrette déjà de voir son commerce extérieur affecté par les turbulences autour du golfe d’Aden, le sujet de l’énergie relève d’un autre niveau de criticité – la Chine met une priorité explicite sur la sécurisation de ses approvisionnements. Sans que l’attaque du pétrolier ne provoque une rupture dans la diplomatie chinoise sur le conflit en cours, il participe à une prise de position plus engagée de la Chine sur ce dossier.
– Approfondissement de la coopération sino-saoudienne en matière financière
Le ministre des Finances saoudien, Mohammed bin Abdullah Al-Jadaan, a rencontré le vice-Premier ministre chinois, He Lifeng, à Pékin le 20 mai. S’il ne ressort de cet échange pas de déclaration disruptive – le communiqué publié à son issue porte essentiellement sur «l’approfondissement de la coopération économique et commerciale multilatérale et bilatérale» -, il constitue un signe supplémentaire de la dynamique d’intensification des échanges économiques et financiers entre les deux Etats.
Parmi les autres indices témoignant de cette dynamique, on trouve le protocole d’accord signé entre la China Zheshang Bank (CZBank) et le ministère de l’Investissement saoudien une semaine plus tôt, le 13 mai ; mais aussi, plus retentissante, l’ouverture d’une branche de la Bank of China (banque centrale chinoise) à Riyad en septembre dernier. Enfin, l’élément le plus substantiel : l’autorisation du règlement du pétrole saoudien en RMB, la monnaie chinoise – sur ce sujet, voir notre brève du 14 avril 2024.