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La Chine et le Moyen-Orient – Point de situation au 13/06/2024

Les dossiers que nous suivons : La Chine en Indopacifique ; Défense chinoise et détroit de Taïwan ; Relations sino-russes ; Engagement de la Chine au Moyen-Orient ; Stratégie et tendances économiques chinoises ; Dynamiques et enjeux du tourisme chinois à l’international…

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Chers lecteurs d’EurasiaPeace,

Bienvenue sur notre veille «Engagement de la Chine au Moyen-Orient» ! Cette veille se concentrera sur la position de la Chine sur le conflit israélo-palestinien, sur laquelle nous vous proposons une analyse plus complète dans notre première veille sur la Chine et le Moyen-Orient, mais abordera également les signes plus discrets de l’influence grandissante de la Chine dans la région. Bonne lecture !

– La Chine soutient la résolution du CSNU sur le plan de trêve à Gaza

Le Conseil de Sécurité des Nations Unies (CSNU) a approuvé, le 10 juin, une résolution portant sur une trêve dans le conflit israélo-palestinien. Sur les 15 membres du Conseil, 14 ont voté pour ; une seule abstention, celle de la Russie, a été exprimée. Le plan approuvé comporte trois phases (1), débutant par l’instauration d’un cessez-le-feu «immédiat, plein et entier».

L’approbation de ce vote par le CSNU ne relevait pas de l’évidence après les échecs en série des votes portant sur un cessez-le-feu à Gaza, imputés tantôt aux Etats-Unis, tantôt à la Chine ou à la Russie. Les négociations sur la résolution 2735, entamées après l’annonce de Joe Biden sur l’acceptation par Israël d’un plan de trêve, n’avaient pas non plus toutes leurs chances d’aboutir : dans les jours précédant le vote, la Chine, la Russie et l’Algérie avaient manifesté leur scepticisme quant à la viabilité de la proposition américaine (2).

Fu Cong, représentant permanent de la Chine aux Nations Unies, a indiqué que bien qu’il ait exprimé son soutien à cette résolution, il considère avant tout qu’«il doit y avoir un cessez-le-feu permanent» – qui, s’il n’est pas prévu dans la première phase, est l’objet de la seconde phase du plan de trêve. En amont du vote, il regrettait les «nombreuses ambiguïtés» du texte.

Par ailleurs, la Chine utilise le levier de la médiation et des efforts de pacification pour se rapprocher des acteurs régionaux. Son discours sur la défense de l’indépendance palestinienne et la nécessité de l’aide humanitaire la place du «bon côté» de l’Histoire aux yeux de ses partenaires du Golfe ; il donne une dynamique positive aux relations bilatérales, comme il en est ressorti du sommet sino-arabe du 30 mai et des entrevues qui ont suivi (3).

Le conflit israélo-palestinien a permis d’afficher une proximité entre, cette fois, la Chine et la Turquie, suite à la venue du ministre des Affaires étrangères turc Hakan Fidan à Pékin. Le 4 juin, M. Fidan a déclaré que la Turquie «apprécie la solidarité chinoise envers les Palestiniens» et affirmé qu’elle «continuera à travailler avec la Chine pour [l’instauration] d’un cessez-le-feu à Gaza […]». A noter que la Turquie n’est pas membre du Conseil de Sécurité, et a un rôle limité dans les médiations entre Israël et le Hamas

– Publication d’une déclaration conjointe Chine – Emirats Arabes Unis qui provoque la colère de l’Iran

Le dimanche 2 juin, le ministère des Affaires étrangères chinois a rendu publique une déclaration conjointe sino-émiratie rédigée à l’occasion du 10ème sommet du Forum de coopération sino-arabe, organisé à Pékin fin mai. Co-signée par le président des Emirats Arabes Unis Mohammed ben Zayed, la déclaration promet l’approfondissement des échanges dans le commerce, l’énergie et la défense.

Dans le domaine de la défense, les deux parties expriment leur «ardent souhait d’intensifier les échanges d’expériences [et] de mener de nouveaux exercices bilatéraux», en référence au premier exercice conjoint aérien organisé en août 2023.

En matière d’énergie, la Chine et les Emirats Arabes Unis (EAU) s’engagent à renforcer leur coopération sur les énergies fossiles, renouvelables, d’avenir (hydrogène, ammoniac) et le stockage d’énergie, encourageant notamment les initiatives dans le domaine privé. Pékin et Abu Dhabi indiquent en outre soutenir l’ouverture de nouvelles exploitations tout en promouvant, affirment-ils, la protection de l’environnement (4). Enfin, les deux Etats notifient leur intention de renforcer la coopération dans le domaine du nucléaire civil.

Bien que ne visant a priori pas d’Etat tiers, cette déclaration sino-émiratie n’a pas été au goût de tous les acteurs régionaux. Le jour même de sa publication, le gouvernement iranien a convoqué l’ambassadeur de Chine à Téhéran, exigeant qu’il explique l’article n°26 du communiqué conjoint. Ce dernier dispose que «la Chine soutient les efforts des Émirats arabes unis pour résoudre pacifiquement la question des trois îles […]». Les trois îles évoquées, Petite Tunb, Grand Tunb et Abu Musa, font l’objet d’un contentieux de souveraineté entre l’Iran et les EAU, et ce depuis que le gouvernement iranien y a imposé sa présence en 1971. Ali Bak, représentant du ministère des Affaires étrangères iranien, a indiqué que «l’Iran rejette toute affirmation» selon laquelle ces trois îles ne se trouvent pas sous souveraineté iranienne.

Le ministère des Affaires étrangères chinois a répondu le lendemain, lors de la conférence de presse quotidienne, en déclarant que «la position de la Chine sur la question des trois îles est cohérente» et en appelant «les parties concernées à résoudre leurs différends de manière pacifique par le dialogue et la consultation». Il a pris soin de désamorcer les tensions en rappelant que «la Chine attache de la valeur à son partenariat stratégique global avec l’Iran».

– La Chine obtient un contrat d’exploitation d’un champ de gaz clé en Irak

Fin mai 2024, le consortium réunissant le Jereh Group et Petro Iraq a obtenu un contrat d’exploration et de production du champ de gaz de Mansuriyah, en Irak, pour une durée de 25 ans. Le Jereh Group, société chinoise, s’est associé au nébuleux Petro Iraq, une société-écran liée à la China National Offshore Oil Corporation (CNOOC) et au Khatam al-Anbiya Construction Headquarters (contrôlée par les Gardiens de la révolution islamique iraniens). La conclusion de ce contrat est significative pour la Chine sur plusieurs plans : pour sa sécurité énergétique d’abord, et pour son poids politique et son implantation dans la région ensuite. 

D’une capacité totale estimée de 127,5 Gm3 (milliards de m3) de gaz, l’exploitation devrait pouvoir jusqu’à produire 8,5 Mm3 (millions de m3) par jour. Selon les données statistiques officielles publiées par la Chine, le pays a produit 229,7 Gm3 de gaz en 2023, mais la consommation chinoise de gaz a atteint 394,5 Gm3 sur la même année. L’apport de Mansuriyah, jusqu’à 3 Gm3 de gaz sur un an dans le cadre d’une exploitation à plein régime, est relatif mais crucial pour pallier le manque à gagner de près de 165 Gm3 de gaz.

En outre, la position du champ gazier de Mansuriyah, au sud du lac Hamrin, est avantageuse pour la Chine : il se situe à une centaine de kilomètres d’une branche du pipeline IGAT 6 débouchant près de la ville de Souleimane Bek. Ce pipeline, possédé et opéré par la National Iran Gas Company, rejoint le port d’Assaluyeh sur la côte iranienne, où ont été construits au moins cinq terminaux GNL.

Au-delà, cette nouvelle implantation chinoise est symptomatique d’une expansion bien plus large de sa présence sur le territoire irakien : les entreprises d’Etat chinoises, notamment celles de l’énergie et du BTP, multiplient les contrats de construction d’infrastructures et d’exploitation des ressources du pays. On peut penser, dans la période récente, au vaste complexe d’exploitation et de traitement d’hydrocarbures d’Halfaya, dont la construction par PetroChina et la China Petroleum Engineering and Construction Corporation (CPECC) s’est achevée à l’automne 2023. Le journaliste Simon Watkins estime que les deux tiers de la production irakienne d’hydrocarbures sont opérés par des sociétés chinoises.

En parallèle de l’accroissement de sa présence économique, la Chine renforce son emprise politique sur le gouvernement irakien. Son poids au sein de l’industrie nationale de gaz et de pétrole, qui représente la source majoritaire des revenus de l’Etat, est en lui-même un levier puissant. Il lui permet de présenter des exigences qui nourrissent son influence : le projet de construction de l’aéroport de Nassiriya, situé près de deux larges champs pétroliers plus au Sud, a été attribué en 2021 à des entreprises chinoises. Originellement conçu pour n’être qu’un aéroport civil, il fut conclu plus tard d’un commun accord qu’il pourrait également accueillir des appareils militaires chinois, et ce, sans nécessité d’autorisation préalable par les autorités irakiennes.

(1) Le plan approuvé à l’issue du vote du 10 juin se décline en trois phases : tout d’abord, l’instauration d’un cessez-le-feu «immédiat, plein et entier» impliquant le retrait des forces israéliennes des zones «densément peuplées» de Gaza et la restauration de l’aide humanitaire. Dans un second temps, déclaration de la fin définitive du conflit, se traduisant par le retrait complet des troupes israéliennes en échange de la libération de tous les otages détenus par le Hamas. Enfin, le début de la phase de reconstruction, après la restitution des dépouilles des otages israéliens se trouvant encore à Gaza. 

(2) En effet, il existe des doutes sur la volonté réelle des deux parties belligérantes de mettre un terme au conflit. Le journal New York Times résume cette tension dans un article publié après la remise des amendements du Hamas, le 11 juin au soir : «chaque partie fait des déclarations positives mais vagues sur le plan de cessez-le-feu et accuse l’autre de prolonger une guerre qui a dévasté Gaza. Mais aucun des deux n’a encore déclaré qu’il adopterait formellement [la proposition  de trêve américaine]».

(3) La Chine est à l’initiative de ce sommet sino-arabe à Pékin, qui a bénéficié de la participation de quatre chefs d’Etat du Maghreb (les présidents égyptien, tunisien et émirati, ainsi que le roi du Bahreïn), du secrétaire général de la Ligue arabe, et des représentants de 22 autres gouvernements. Dans ses remarques préliminaires à l’occasion de la cérémonie d’ouverture, Xi Jinping a insisté sur l’ambition de créer une «communauté sino-arabe au destin partagé». Néanmoins, elle manœuvre pour ne pas créer un bloc face à elle, et multiplie les entretiens bilatéraux en marge du forum (avec notamment des représentants des ministères des Affaires étrangères des Emirats Arabes Unis, du Qatar, d’Oman…).

(4) L’article n°35 de la déclaration évoque l’«encouragement» fait à «la prospection, l’exploitation, la transformation et le transport durables de l’énergie».

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