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Diplomaties d’influence en Asie centrale – Point de situation au 19/01/25

Les dossiers que nous suivons : Diplomaties d’influence en Asie centrale ; Enjeux politiques et  sécuritaires en Asie centrale; Conflits territoriaux en Asie centrale

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Le 8 décembre dernier, le monde s’éveillait avec stupeur en apprenant la fuite du dictateur syrien, et la chute d’un régime autoritaire et dynastique qui régnait d’une main de fer sur le pays depuis plus de 50 ans. L’offensive éclair menée par la coalition du groupe Hayat Tahrir al-Sham, aura eu raison des soldats du régime qui, usés par 13 années de guerre civile et plusieurs mois sans salaire, n’auront opposé que peu voire pas de résistance. Ainsi, un nouveau pouvoir se met en place, et un gouvernement a été nommé par le commandement en chef du groupe armé djihadiste, Ahmed Al-Charaa, anciennement connu sous son nom de guerre Abou Mohammed al-Joulani.

Si l’avenir de la Syrie reste pour le moment très incertain, la région assiste, incrédule, à la prise de pouvoir d’un second pays du Moyen-Orient par des islamistes radicaux, après l’Afghanistan en 2021. Un bouleversement qui fait craindre le déferlement de nouvelles vagues terroristes dans le monde.

Parmi les pays qui expriment les plus vives inquiétudes quant à leur sécurité intérieure figurent ceux de la région centrasiatique. La présence de combattants d’Asie Centrale en Syrie n’est pas nouvelle. Les cinq pays de la région font en effet partie de ceux fournissant les plus importants contingents de combattants étrangers aux factions armées et milices djihadistes du Moyen-Orient. Plusieurs facteurs expliquent la prééminence de l’Asie Centrale dans le djihadisme moyen-oriental.

Le Tadjikistan sous l’emprise d’un clan

Si la région est encore loin de se convertir à la démocratie libérale, le Tadjikistan est probablement le pays qui en est le plus éloigné. Il est le seul d’Asie Centrale à n’avoir connu qu’un seul Président le République depuis l’accession à l’indépendance en 1991 : Emomali Rakhmon. C’est le pays tout entier qui est contrôlé par un homme, et même un clan. En effet, l’emprise de la famille Rakhmon ne cesse de se resserrer sur les institutions et les grandes entreprises du pays. Les quatre filles du Président se partagent des postes stratégiques tant dans le secteur privé qu’au sein d’institutions gouvernementales : Zarina prenant la tête de la première banque du pays (Orienbok), et Ozoda dirigeant l’Administrations présidentielle. De plus, au fils du Président, Roustam Rakhmon, qui avait été nommé à la mairie de Douchanbé, la capitale du pays, s’est vu revenir le poste de Président du Sénat, soit le 2ème poste le plus élevé du pays, derrière celui de… son père.

Au fil des dernières années, des lois ont été appliquées visant à bâillonner toute contestation en provenance de l’opposition politique ainsi que de la société. En 2009, une loi sur la religion oblige l’enregistrement de tous les groupes religieux et leur impose des obligations. En 2015, une tentative de déstabilisation du régime par le Parti islamique, principal parti d’opposition, a entraîné son interdiction, et ses membres sont dès lors les victimes de répressions excessives. Selon certains observateurs, le gouvernement, à cause de ces mesures liberticides contribue à organiser la radicalisation de la société tadjike, qui ne trouve plus les moyens d’exprimer ses opinions.

Ce besoin impérieux de se faire entendre est exacerbé par la situation économique et sociale désastreuse du pays. Le Tadjikistan est un des pays ayant fourni le plus de combattants étrangers à l’Etat Islamique. Le média Novastan par la voix de l’analyste tadjik Faridoun Hadizadeh précise qu’au plus fort de la guerre, 5 000 citoyens d’Asie Centrale, femmes et enfants compris, ont rejoint les rangs de Daesh, dont 2 000 Tadjiks. Or, le pays est de loin le moins développé d’Asie Centrale (8 milliards de dollars de PIB en 2019). En 2022, il figurait à la 126e place du classement des pays sur la base de l’indice de développement humain, loin derrière l’Iran (78ème), la Libye (92ème) et juste devant l’Irak (128ème). Poussés par le manque de développement de leur pays, le chômage ou encore la corruption endémique du système politique, les jeunes partent chercher du travail en Russie. La situation économique du pays est si fragile que son PIB provient à 33% de transferts de fond de ses ressortissants installés en Russie. Cette part représentait même la moitié du PIB en 2014, année de la proclamation du califat de l’Etat Islamique. Or, les ressortissants tadjiks éprouvent bien souvent de grandes difficultés à s’intégrer à la société russe. Ils souffrent de discrimination, de mépris et d’isolement social. La religion devient leur refuge. Alors, ils deviennent la cible des imams du web, cette méthode de recrutement de combattants dont l’Etat Islamique s’est fait le spécialiste. Selon l’expert tadjik dans la lutte contre l’extrémisme, Roustam Azizi, la migration n’est pas la cause de la radicalisation, mais elle est le lieu et le moment où les personnes, loin de leurs familles, dans un état psychologique fragile, sont les plus vulnérables. Une étude réalisée par deux enseignants de l’Académie du ministère de l’Intérieur du Tadjikistan, publication aujourd’hui supprimée, démontrait que 85% des Tadjiks ayant rejoint les rangs d’organisations extrémistes avaient été recrutés alors qu’ils travaillaient en Russie.

Le transfert de compétences militaires des armées nationales aux organisations djihadistes

Les combattants centrasiatiques sont des guerriers salués pour leur combativité et leurs aptitudes opérationnelles. En effet, alors qu’Al Qaïda et les filiales traditionnelles de l’EI ont habitués le monde à des combats basés sur des attaques de guérilla, les combattants centrasiatiques ont fait montre d’une technicité supérieure. D’où leur vient ces capacités ? La défection d’un certain nombre d’anciens hauts officiers ayant fait leurs armes dans l’Armée Rouge soviétique, puis dans les armées nationales des pays nouvellement indépendants, apporte une expertise opérationnelle et logistique que ne possédaient pas les groupes djihadistes. Une des plus belles prises de guerre de l’Etat islamique est l’enrôlement d’un ancien colonel des forces spéciales tadjikes, Gulmurod Khalimov. Celui-ci, en partie formé aux Etats-Unis, a rejoint les rangs du califat en tant que ministre de la guerre en 2015. Eliminé au cours d’une frappe à Mossoul en 2017, il était le numéro 2 de l’EI, derrière le calife auto-proclamé, Abou Bakr Al Baghdadi. Celui-ci avait par ailleurs constitué sa “garde prétorienne” selon les mots de David Gaüzere, de combattants russophones. A sa mort en 2019, c’est un ressortissant du Turkménistan, autre pays d’Asie Centrale, du nom de Amir Mohamad Abdel Rahman al-Maoula al-Salbi qui prit les rênes de l’Etat Islamique, rare non-Arabe à occuper un poste de direction de l’organisation.
L’efficacité militaire des combattants du Kirghizistan, d’Ouzbékistan ou encore du Tadjikistan apparaît comme une raison expliquant le succès foudroyant de l’offensive portée par HTS. Au sein de la coalition du nouvel homme fort de Damas, figure la milice Katibat al-Imam al-Bukhari. Celle-ci se compose principalement d’Ouzbeks qui ont participé à la révolte contre le régime baassiste aux côtés du front al-Nosra, affilié à Al Qaida. Dans une vidéo datant du 3 décembre 2024 tournée non loin d’un monastère chrétien dans le nord de la Syrie, un homme s’exprimant en tadjik revendique la prise d’un territoire aux mains des “infidèles”. Au total, plus de 374 combattants tadjiks ont été identifiés dans la seule région d’Idlib, fief du groupe HTS.

Une région vulnérable à l’instabilité régionale

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