Les dossiers que nous suivons : Diplomaties d’influence en Asie centrale ; Diplomatie énergétique et des ressources naturelles en Asie centrale; Enjeux politiques et sécuritaires en Asie centrale
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Les élections américaines ont rendu leur verdict le 6 novembre 2024 en consacrant Donald Trump. L’homme fort des républicains fera son grand retour à la Maison Blanche le 20 janvier 2025 pour entamer un second mandat en tant que président des Etats-Unis.
Alors qu’une grande partie du monde attendait – espérait ? – une continuation de la présidence américaine sous gouvernance démocrate, nombre de diplomates internationaux ont dû se résigner à une collaboration avec la ligne dure de la politique étrangère américaine pour les 4 prochaines années.
Dans ce contexte, quelles relations diplomatiques les pays d’Asie Centrale peuvent-ils attendre de la future administration républicaine ?
Une politique étrangère marquée par l’isolationnisme et la diplomatie
“America first”. C’est le slogan entonné par Donald Trump durant sa campagne pour faire comprendre aux Américains – et aux dirigeants internationaux – que la priorité de sa politique reviendrait aux sujets internes. Alors même que les milliards de dollars débloqués par les Etats-Unis pour soutenir l’effort de guerre ukrainien alimentent la machine militaro-industrielle américaine, Donald Trump a plusieurs fois fustigé l’administration Biden et les plans d’aide à l’Ukraine, alléguant que ces investissements devaient être orientés vers des intérêts nationaux.
Malgré les envolées lyriques virilistes, Donald Trump n’est pas pour autant belliciste. Le président nouvellement élu compte largement réduire l’engagement militaire des Etats-Unis à l’étranger, prônant des solutions diplomatiques rapides pour mettre un terme aux conflits.
Lors de son premier mandat, Donald Trump avait poursuivi la stratégie de désengagement des forces américaines du Moyen-Orient initiée par son prédécesseur Barack Obama, en négociant lui -même le départ des troupes américaines d’Afghanistan. Un retrait qui s’était effectué sous l’administration Biden, ouvrant par la même occasion la voie de Kaboul aux Talibans.
Durant sa campagne, le leader républicain s’est vanté de résoudre le conflit ukrainien en 24h. Ses équipes prépareraient déjà un plan de paix pour amener les présidents russe et ukrainien autour de la table des négociations afin de trouver un accord de paix.
Il en va de même au Proche-Orient. Alors qu’il se qualifie lui-même de plus grand allié qu’Israël ait connu, une déclaration évocatrice au regard de l’histoire qui lient les présidents des Etats-Unis et l’Etat hébreu, il a plusieurs fois exhorté Benjamin Netanyahu à mettre un terme au conflit à Gaza et au Liban. Ceci, afin de se concentrer sur une extension des Accords d’Abraham qu’il considère comme son “plus grand succès diplomatique“.
La Chine en ligne de mire
L’Asie centrale est-elle hors-jeu dans la politique étrangère américaine ? Sous une gouvernance Trump II, cela semble probable. Toutefois, malgré les accents isolationnistes de la future politique étrangère américaine, poursuivre la stratégie de containment de la Chine est une priorité commune aux administrations démocrate et républicaine. Cette dernière adopte une approche particulièrement agressive à l’égard de Pékin tant elle conçoit cette confrontation de manière frontale, voire “océanique”. La politique du candidat Trump prévoit l’application de droits de douanes de 60% sur les produits chinois, une politique incarnée par sa garde rapprochée dont font partie les va-t-en-guerre tels que Mike Pompeo et Robert Lighthizer “perçus par Pékin comme des ennemis de la Chine“.
L’Asie centrale offre un double avantage stratégique pour contrer la montée en puissance de la Chine
Historiquement, la présence américaine en Asie Centrale a toujours été marginale. Et ce, même après la chute de l’Union Soviétique. Les ramifications des pays centrasiatiques avec les Frères Musulmans dans le début des années 2000 rapportées par Robert Baer, ancien officier de la CIA, n’ont jamais particulièrement ému les services de renseignement américains. Peut-être est-il temps aujourd’hui de réévaluer l’importance stratégique de la région.
Dans le cadre de sa politique d’encerclement de l’Empire du Milieu, Washington s’est attelé à contraindre l’expansion de Pékin vers l’est à travers son soutien aux revendications autonomistes de Taïwan, ainsi que la conclusion d’alliances stratégiques avec des puissances régionales telles que l’Inde, l’Australie ou le Japon (Five Eyes, QUAD). Des efforts diplomatiques qui s’ajoutent à la présence des nombreuses bases militaires américaines implantées au large des côtes chinoises (de la Corée du Sud aux Philippines) et dans la profondeur (Guam). Au nord, les sanctions internationales contre la Russie entrainent l’impossibilité pour la Chine d’expédier ses biens de consommation à destination de l’Europe par le corridor qui traverse le territoire russe. Pékin se vit alors contrainte de rediriger ses exportations vers le corridor central passant par l’Asie Centrale. Cette nouvelle route accroît l’importance stratégique de la région pour Pékin, compte tenu des enjeux économiques en présence.
Les pays centrasiatiques présentent aussi l’opportunité pour les Etats-Unis de réduire leur dépendance à l’égard de la Chine. Le 19 septembre 2023, les cinq présidents d’Asie Centrale étaient reçus par Joe Biden – et non son département d’Etat – dans un format 5+1 en marge du sommet des Nations Unies. Les discussions ont porté sur la lutte contre le terrorisme, et la frontière poreuse entre le Tadjikistan et l’Afghanistan qui entraine des trafics d’armes et de drogue. Mais un autre sujet a aussi été abordé : celui des minéraux critiques. Ces minéraux sont indispensables à la transition énergétique puisqu’ils sont utilisés comme composants dans les futures technologies qui permettront de produire de l’énergie propre. Or, la Chine possède de telles réserves qu’elle est le principal fournisseur des Etats-Unis pour 26 de ces minéraux. Cette position monopolistique s’avérerait dangereuse dans le cas d’une dégradation des relations entre Washington et Pékin, ce qui n’est pas à exclure si Donald Trump s’engage dans la guerre commerciale promise. Il est important pour les Américains de diversifier leurs approvisionnements, afin de ne pas subir un embargo sur ces minéraux, comme la Chine s’en est montrée capable en 2010, lorsqu’elle avait suspendu ses exportations de terres rares à destination du Japon, à la suite d’un incident diplomatique entre les deux Etats. Des pays comme le Kazakhstan ou l’Ouzbékistan possèdent un potentiel considérable, encore largement sous-exploité, et pourraient offrir une alternative aux Américains en matière de production d’uranium, de manganèse ou encore d’antimoine.
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